De l’inefficacité de la loi de blocage de 1968

La loi de blocage de 1968 fait partie de ces textes souvent invoqués, rarement appliqués.

En effet, les lois n°80-538 du 16 juillet 1980 et n°68-678 du 26 juillet 1968 sont des grands classiques devant les tribunaux. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris (4 octobre 2019, RG n°18/23117) le montre à nouveau.

Contenu de la loi de blocage

Suite à une saisie-contrefaçon, la personne saisie accusait le saisissant de vouloir utiliser les preuves collectées devant des tribunaux étrangers.

Or la loi de blocage de 1968, modifiée par celle de 1980, interdit à toute personne de :

  1. demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme,
  2. des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique
  3. tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci (article 1 bis).

Le périmètre de l’interdiction est tellement large qu’elle devrait souvent appliquée. Mais je ne lui connais qu’une seule application (Crim., 12 décembre 2007, n°07-83.228).

Limites

Car ceux qui invoquent la loi de blocage oublient que l’interdiction n’est pas absolue. Elle est posée « sous réserve des traités ou accord internationaux et des lois et règlements en vigueur ». Ces textes sont nombreux, dans et hors de l’Union européenne (Règlement Bruxelles I bis n°1215/2012 ; Convention de La Haye du 18 mars 1970). La Cour de cassation l’a rappelé (Civ., 14 mars 2018, n°16-19.731).

On peut même penser que l’article 145 du Code de procédure civile fait échec aux lois de 1968 et de 1980. Il s’agit aussi d’une loi. Cet article entre donc dans le cadre des exceptions à ces lois. Et il prévoit la possibilité de collecter des preuves avant tout procès, sur autorisation du juge.

Si les preuves ainsi collectées établissent des faits pour lesquels les règles de conflit de juridictions françaises désignent un tribunal étranger, on voit mal comment interdire l’usage de ces preuves devant ce tribunal.

CA Paris, 4 octobre 2019, RG n°18/23117